Depuis une génération, de très grandes catastrophes industrielles d'ampleur internationale ont changé l'échelle que le risque industriel et technologique fait peser sur nos sociétés. Ce changement d'échelle est-il une transformation du régime de risque ou le prolongement d'un processus déjà amorcé précédemment ? C'est à une mise à distance et une historicisation du risque industriel qu'invite la lecture de cet ouvrage, fruit et partie d'une collaboration de plusieurs années entre des chercheurs de différents pays européens et des États-Unis. En effet, si la notion contemporaine de risque n'est mobilisée pour l'industrie qu'à la fin du xixe siècle, par emprunt au monde de l'assurance, un ensemble de concepts qui s'y rattachent est usuel au moins dès le xve siècle, et les autorités ont toujours mis en place des dispositifs juridiques et sociaux pour parer à ces risques. De la fin du xviie siècle aux années 1900 se déroule une séquence historique longue qui voit l'émergence de dispositifs de gestion à mesure des progrès de l'industrialisation. Les contributions de cet ouvrage interrogent les savoirs et les normes construits par des acteurs très divers, les médecins, les législateurs, les juristes, les architectes, les assureurs, les syndicalistes ou encore les industriels. Elles montrent que si les régulations du risque sont très variables et dépendent des contextes et des configurations locales, celles-ci s'inscrivent toutefois dans un mouvement général qui formalise son acceptation comme constitutive des sociétés industrielles. Cette longue durée nous protège de la tentation de ne considérer les problèmes contemporains que comme nouveaux, et donne de la profondeur à des questions essentielles qu'une approche historique ne peut qu'enrichir.

Alors que le thème du risque industriel a très tôt retenu l'attention de praticiens puis de chercheurs venus de multiples horizons, et qu'une discipline consacrée à son étude, la cindynique, a vu le jour dans les années 1980, les travaux des historiens sur le sujet demeurent rares et sont, pour l'essentiel, récents. Cet ouvrage, fruit de la journée d'études organisée le 14 décembre 2005 à l'Université d'Artois (Arras), en ouverture de l'ACI « Le risque industriel et sa gestion sociale », entend remédier à pareil déficit en replaçant dans une perspective historique les travaux antérieurs et les faits établis. Il propose d'abord une réflexion sur une notion complexe en adoptant le temps comme variable essentielle et la longue durée comme champ d'action. Entre perceptions, constructions et réalités, il développe ensuite, à travers huit études de cas exemplaires, une analyse des risques quotidiens et majeurs ainsi que des catastrophes qui ont dramatiquement jalonné la vie des sociétés industrielles au cours de la période contemporaine.

Tout autant concernées que les pouvoirs publics, les entreprises, les sociétés d'assurance, la population dans son ensemble prennent une place de plus en plus affirmée dans la gestion des risques industriels et technologiques, et contribuent ainsi à l'émergence d'une culture du risque permettant une meilleure préparation à l'imprévisible.

Si le risque n'est pas etranger au monde de l'industrie, il trouve une application particulierement concrete de ses effets en droit des affaires. Objet d'une approche publique pour favoriser la prise en compte des dangers dans leur dimension sociale et environnementale, le risque industriel est un sujet riche dont les techniques de gestion meritent d'etre questionnees. A mi-chemin entre le droit et le management, cette contribution s'attache a proposer une alternative a la gestion classique des risques industriels grace aux grands principes du droit de l'environnement. A partir d'une approche dynamique, ce travail envisage les consequences d'activites industrielles en amont et en aval de la survenance d'accidents eventuels sous l'impulsion du concept de responsabilite sociale des entreprises (RSE). Face a la mutation des conditions de gestion du risque industriel au contact des instruments volontaires de regulation ou le contrat tend a devenir un outil efficace permettant d'instiller des valeurs ethiques dans le dispositif managerial de l'entreprise, il importe d'anticiper le risque industriel a travers la pluralite de ses manifestations de telle sorte a en limiter la reparation.

La montée en puissance des risques collectifs, notamment du risque industriel, et l'impérative nécessité de les maîtriser se sont traduites, d'une part, par l'émergence d'une véritable culture de la sécurité et, d'autre part, par le développement d'une réglementation progressivement renforcée par les directives européennes et tendue vers l'objectif de prévention du risque. Initialement fondé sur la législation des installations classées, le droit du risque industriel est en constante évolution et a intégré des considérations nouvelles qui visent à associer les différents acteurs et le public à cet objectif de prévention, ou encore à assurer la remise en état des sites pollués. Cet ouvrage constitue une étude approfondie du traitement juridique du risque industriel, associant les aspects de droit privé et de droit public. Les auteurs ont en effet souhaité privilégier une approche d'ensemble, axée sur les objectifs fondamentaux de prévention du risque et de réparation. Cette démarche permet d'intégrer bien évidemment les questions liées à la responsabilité de l'État, aux dispositifs de prévention et de sanction mis en œuvre par la puissance publique, mais aussi les aspects qui touchent à l'entreprise, aux répercussions de cette nouvelle donne dans ses relations avec les salariés et tous les autres interlocuteurs: clients, fournisseurs, partenaires commerciaux, assureurs... Quels sont les instruments qui contribuent à la prévention du risque industriel ? Quel est le rôle de la nomenclature des installations classées, comment fonctionne-t-elle ? Quels sont les dispositifs en termes d'urbanisme et comment coexistent-ils ? Quels sont les dispositifs économiques incitatifs en termes de prévention des risques ? Comment informer le public, les collectivités locales, les salariés, de l'existence du risque ? Quelles sont les règles qui gouvernent la cession d'un site pollué ? Quelle est l'efficacité du reporting environnemental ? Une fois le risque réalisé, comment s'organisent les opérations de secours et d'alerte ? Qui doit en assumer la responsabilité et sur quels fondements ? Quel est le rôle de l'assurance ? Comment identifier le débiteur de la remise en état des lieux pollués ? Que faire s'il n'est pas solvable ? Voici les questions auxquelles l'ouvrage tente de répondre en tenant compte de l'actualité la plus récente, notamment par l'intégration de la directive sur la responsabilité environnementale. Cet ouvrage s'adresse aux étudiants et à tout public concerné par la gestion du risque industriel, entreprises, collectivités locales, mais aussi aux universitaires et praticiens soucieux d'élargir leurs connaissances.